Ma découverte de la culture iranienne moderne date de l’époque de la fin des années soixante, où, étudiant à Paris, je m’étais intéressé au phénomène de l’expression picturale de peintres de tradition musulmane qui ont récupéré la calligraphie arabe pour la transformer en peinture abstraite.C’est ainsi que mes recherches m’ont amené à découvrir Firamarz Pilaram et Hussein Zendéroudi. Ce dernier faisait une peinture que l’on peut dire très proche de celle, sous laquelle Nja devait se faire connaitre, plus tard, en tant que peintre calligraphe, avec, comme je l’évoque dans l’article qui va suivre, ma complicité et mon soutien déclaré. Mon amitié avec Nja devait m’amener à sacrifier ma relation avec Hussein Zendéroudi, dont je garde encore une sérigraphie originale dédicacée. Par « solidarité nationaliste » j’avais refusé d’écrire l’introduction du catalogue de l’exposition que la Galerie « l’Atelier » à Rabat devait organiser à ce peintre iranien.
Je garde encore dans mes archives une suite de télégrammes envoyés à l’époque par Pauline de Mazières, directrice de cet espace dont le rôle joué pour la promotion de la peinture marocaine est pour le moins historique. Des messages dans lesquels elle me pressait de lui envoyer un texte sur Zendéroudi . Mais comme j’avais déjà signé, chez elle, un texte sur Nja, j’avais ignoré sa requête, pour ne pas être obligé d’aller jusqu’au bout de mon témoignage et de réduire la portée de ce que j’avais avancé concernant l’importance de la démarche que j’avais attribuée à Nja.
Mon ami Nja connait déjà ma position.Elle figure, au moins, dans un livre, édité par Beit El Hekma de Carthage, et qui comprend entre autre un grand hommage qui lui est rendu par cette honorable institution.Ma positon est celle qui figure également dans ce même livre, bien en vue, étant le seul article écrit en Français. En voici une reproduction.
» Ma participation à cette rencontre, consacrée au rapport entre les différentes formes de calligraphie arabe et la pratique picturale moderne et contemporaine, va revêtir la forme de témoignage beaucoup plus que celle d’un exposé de théorie ou de recherche. Je vais d’abord rappeler le contenu d’un article publié dans un recueil qui a été édité par les soins du Centre Culturel de Hammamet au moment où le regretté Tahar Guiga était son directeur en 1972. En fait il ne s’agissait pas d’un article mais plutôt de mon intervention à un colloque organisé conjointement par l’UNESCO et cette institution culturelle tunisienne et auquel ont été conviés des artistes plasticiens arabes ainsi que des critiques d’art et intellectuels du Maroc, d’Algérie, de Libye, d’Egypte, du Koweït, de Syrie et du Liban, réunis, pendant plusieurs jours, pour débattre des « styles contemporains de peinture arabe ». J’étais encore étudiant en Histoire de l’Art à Paris et mon intérêt pour cette rencontre s’expliquait par le fait que j’étais attelé à la rédaction d’un mémoire de maîtrise de spécialisation autour du thème de « la critique d’art d’expression arabe et l’art contemporain », recherche que j’avais menée sous la direction du professeur René Julian. Si j’ai tenu à évoquer ces circonstances qui remontent à plus de trente cinq ans, c’est aussi pour dire que le rapport entre calligraphie arabe et peinture contemporaine ne date de ces dernières années. Dans mon intervention à ce colloque j’avais parlé de « l’école arabe de peinture contemporaine et l’art islamique », dont l’une des composantes convoquée en référence était la calligraphie arabe .
C’était à un moment où on essayait de trouver une formule qui nous permettrait, quelque part, de répondre, par l’affirmative, à une certaine idéologie qui n’a cessé, depuis, à être dominante sur le plan culturel, presque partout dans le monde arabe, à savoir : « ouverture et authenticité ».
Cela consistait à concilier entre une pratique picturale dont on commençait à reconnaître l’aspect « importé » et la nécessité d’un ancrage dans la tradition arabo- musulmane classique ou bien populaire qui pourrait servir de légitimation à une pratique culturelle que d’aucuns cherchaient à « arabiser ». C’est à dire à rechercher comment procéder, aux moindres frais, à la « récupération de cette pratique importée en l’habillant d’un manteau d’authenticité rutilante pour la confection de laquelle on va emprunter des éléments de « patrimoine » dont la ressemblance formelle avec la peinture occidentale dite « abstraite » va être à l’origine de la sélection de ces éléments parmis les composantes multiples et variées de ce patrimoine.
Cela a commencé au même moment et un peu partout dans l’ère géographique qui s’étend du Pakistan au Maroc en incluant les pratiques de certains artistes français d’origine maghrébine. En Syrie j’avais remarqué les œuvres « calligraphiques » de Abdelkader Larnaout, en Irak celles de Shaker Hassan Al Said (qui accompagnait ses recherches plastiques d’un discours théorique en rapport avec la tradition mystique الواحد (البعد, en Egypte celles de Youssef Sydah et, bien sûr, d’une certaine manière Aly Bellagha en Tunisie. Il faut citer également les deux iraniens Hussein Zenderoudi et Firamarz Pilaram dont le premier avait déjà exposé ses tableaux abstraits « calligraphiques » avec le groupe des lettristes à Paris, sous la houlette du théoricien Isidore Isou dont les références se rapporteraient à certaines pratiques traditionnelles de la Kabbale telles qu’elles sont décrites par le grand mystique juif Aboulafia. A signaler également les travaux de Mohamed Khadda, en Algérie, qui ne se référait pas nécessairement à cette idéologie culturelle déjà citée mais produisait une peinture abstraite qui le faisait situer comme faisant partie de l’Ecole de Paris mais, à son retour en Algérie, après l’Indépendance, il aimait dire souvent que ses signes abstraits expressionnistes lui rappellent ses racines que se soit au niveau de la peinture préhistorique ou à celui de la calligraphie.
J’avais, également, signalé l’existence de peintres occidentaux qui se sont référés à la calligraphie arabe, d’une manière explicite ou implicite. Par exemple au niveau de Klee, l’on peut observer une sorte de réminiscences de ses rencontres avec la production d’arts traditionnels ou populaires tunisiens. Réminiscences, non pas de mots ou de lettres arabes ou de signes hiéroglyphiques mais plutôt d’éléments graphiques qui ne sont pas le résultat d’un emprunt directe. Il s’agit d’une référence interprétative qui fait que le résultat de cette rencontre heureuse, entre ce grand peintre de culture germanique et notre pays s’est traduite dans une formulation originale d’une écriture plastique propre à Klee. « L’écriture Klee » ce n’est pas le signe calligraphique arabe repris, incorporé ou récupéré par un peintre occidental qui, ne comprenant pas le sens de la lettre, va se contenter de sa forme.
Plus de cinquante ans plus tard, vers les années soixante dix, un autre peintre occidental, Pierre Soulages, va lui aussi « interpréter » les signes calligraphiques arabes à sa manière et se servir de leur espace plastique bidimensionnel pour inscrire, sur des toiles de grands formats, les traces d’une palette de couleurs sombres, contrastées à des interstices blancs, créant une sorte de fentes lumineuses qu’il rapprochera, plus tard, aussi bien de l’esthétique chinoise que de l’art des vitraux du Moyen Age européen. J’étais à l’époque étudiant à Paris et je me souviens que Soulages ne faisait pas référence, dans ses déclarations, à l’espace calligraphique arabe. Avec Prassinos et d’autres, il faisait partie des peintres de la Galerie de France à Paris où il avait monté une grande exposition avec des œuvres monumentales qu’il exposera plus tard à Pékin. Il avait, à l’aide de grands balaies, tracé des « Alifs » très épais et des nœuds sous forme de « Ha » dont la monumentalité et l’aspect épuré pourrait évoquer la majesté et la dimension divine que les mystiques musulmans accordaient particulièrement au « Alif ». Cette référence à la « lettre » et non pas à « la calligraphie » nous rappelle, en fait, que dans la symbolique des lettres élaborée par les mystiques musulmans, chaque lettre a sa propre « représentation » divine ou humaine, chaque lettre a sa présence, indépendamment du son qu’elle transcrit. Klee rejoint cette idée quand il dit que la lettre cache le sens et le sens cache la lettre. Si on veut voir une lettre, dans sa magnificence et dans sa présence d’une belle forme majestueuse, il vaut mieux oublier comment cela se prononce. La signification de la lettre est essentiellement dans la présence de sa Forme. Et c’est à ce titre que pour Ibn Arabi, le « Alif » est une lettre qui, quand on l’écrit conformément aux règles de la calligraphie, ne doit pas toucher la ligne de terre. Elle doit seulement s’en rapprocher le plus possible, sans la toucher. Il dit que cette lettre, par sa « disposition » et donc sa « forme », symbolise la dimension divine qui, tout en « descendant » sur terre, ne se banalise pas, pour autant, et se refuserait, par la même, à se transformer en réalité terrestre récupérable par les réducteurs du Message divin en idéologies religieuses. L’on ajoute à cette qualité de symbole de la dimension divine, à un niveau plastique du « Alif » calligraphié, le fait que, pour être prononcée, cette lettre doit être couronnée par un signe particulier qui n’est ni une lettre « à part entière » ni un signe diacritique et qui est la « Hamza ». Si l’on précise que ce « signe couronne » qui rend le « Alif » lisible et donc audible, a, par ailleurs, la particularité d’être, parmi les signes de l’alphabet arabe, celui qui désigne un son qui provient du fin fond de l’être humain (du plus profond de sa gorge), l’on comprend qu’il s’agit là d’une allusion symbolique au fait que l’homme, en tant que créature de Dieu, est celui à travers lequel son Créateur se rend audible. Pour rendre audible le Divin il faut que l’homme s’exprime du tréfonds de son être.
Il y va donc de cette lettre première de l’alphabet arabe comme du Livre qu’elle inaugure. Le Coran autant que le « Alif » permettent à l’homme de devenir la voix par laquelle Dieu se fait entendre. La médiation de l’homme fait que le Divin ne peut être entendue qu’à partir du moment où il devient parole humaine fut-elle celle d’un prophète inspiré, relayé depuis des siècles par tous ceux qui assurent, au quotidien, la retransmission du Message, sous toutes les formes de psalmodies et de chants, à travers lesquels on récite le Texte, dans sa langue d’origine, l’Arabe.
C’est donc le fait qu’il sert de réceptacle à la Parole divine qui permet à l’Arabe d’accéder au statut de langue d’Origine qu’il partage avec l’Hébreu, sachant que la mystique juive, comme je l’ai déjà signalé pour la pratique gnostique du lettrisme à des fins de « présentification » a recours, elle aussi, à cette « manipulation » de la langue, au corps de la lettre.
Cette évocation de « la science des lettres » me permet d’opérer une distinction nette entre ces pratiques mystiques où l’alphabet sert de support et de matériau à une activité symbolisante sur fond d’accès à la Connaissance, et les pratiques « artistiques » des calligraphes arabo-musulmans. Il s’agit de souligner la différence qui existe entre une sorte de « technique » qui permet à celui qui la pratique de « rendre visible l’Invisible » tout comme la voix humaine permet de « rendre audible » la Parole de Dieu, d’un coté, et de l’autre le geste dansant d’un calligraphe qui organise la surface plane de son support par l’adoption d’un certain ordre qui ne peut se transformer en « Ordre Certain » sans cesser d’être ce qu’il est, à savoir une célébration vivante et tremblante du Texte. Nous sommes là en présence de deux registres qui se rapportent tous les deux à la manière à travers laquelle l’être humain va à la rencontre de son Créateur. Mais autant le procédé de « présentification », par le recours à la symbolisation lettriste propre aux deux mystiques hébraïque et musulmane relève de l’adoration méditative, autant la pratique « artistique » de la calligraphie semble renvoyer à un autre registre du rapport entre l’homme et son Créateur. Car, cette célébration de la Parole divine par le geste du calligraphe se fait par la pratique d’un art qui permet à l’homme non pas de s’adonner à une « adoration » fut-elle méditative de la divinité invisible à travers sa symbolisation par le truchement du signe porteur de sens transcendant, mais plutôt de pratiquer cette « méditation active » qui permet à l’homme artiste qu’est le calligraphe de se hausser au niveau du noble statut qui est le sien, au sein de la cosmogonie islamique et de mériter son rang de « lieutenant de Dieu sur terre ».
Pourrait-on voir dans cette différence entre lettrisme « judéo- islamique » et calligraphie « arabo islamique » un moyen de distinguer le sens du sacré qui émanerait d’un tableau de Klee de celui auquel pourrait prétendre Hussein Zenderoudi dans ses fameuses sérigraphies sur soie à partir desquelles il avait, vers le début des années soixante dix, illustré une traduction en Français du Coran, éditée par l’Unesco ? Il faut avouer que la tentation est grande de se risquer, sur le plan méthodologique, à commettre cet amalgame anachronique et de voir, d’abord, si dans le cas de figure qui se présente, on pourrait placer Klee, en tant que supposé « lettriste », » du coté de la « présentification » et de « l’adoration méditative » et Zenderoudi, en tant que « lettriste » déclaré (ayant exposé avec le groupe d’Isidore Isou) mais pratiquant, en fait, un lettrisme à base de calligraphie, du coté de « la méditation active » à laquelle renvoie le geste du calligraphe traditionnel.
En fait, il n’y aurait pas d’objections, de ma part, à supposer une filiation « infra historique » entre Klee et la mystique judéo islamique et l’on pourra, presque légitimement, trouver une résonance mystique évidente, aussi bien à l’œuvre de Klee qu’à sa démarche créatrice, corroborée par ses écrits. Quant à l’anachronisme que l’on pourrait trouver à l’établissement d’une telle filiation, l’on sait que même les penseurs les plus historicistes ont eu à constater, à la suite de Marx, le caractère très particulier, parce que spécifique, de l’historicité de l’Art.
Mais ce qui pourrait poser problème c’est plutôt le contenu, que les critiques de l’époque (années soixante dix) ont qualifié de « Monde Autre », des ouvres réalisées par Zenderoudi et qu’il a inscrit lui-même dans le courant « lettriste » pour les « récupérer », par ailleurs, dans une sorte d’ « esthétique du sacré », servant, à l’occasion, à contourner un supposé iconoclasme islamique ! Cela pose problème parce que, aussi bien dans sa position de « lettriste iranien » que dans celle « d’illustrateur du Coran », (dans sa version française), Zenderoudi inscrit son travail dans une finalité qui relève de ce que l’on pourrait appeler, après Klee, de « nécessité extérieure » dont la motivation réelle est la conformité à un quelconque « isme » qui pourrait, le cas échéant, le faire accéder à la reconnaissance internationale et par conséquent au marché de l’Art.
Au regard de cette « nécessité intérieure », invoquée plus haut, par le constat de sa négation dans la démarche de ce peintre iranien contemporain, il y a lieu de signaler que sa présence manifeste dans la démarche créatrice de celui qui l’a instaurée comme fondement de toute création authentique, nous amène à observer que l’œuvre de Klee se joue du clivage que j’avais introduit au départ de cette réflexion et qui consistait à distinguer entre « l’adoration méditative » par la « présentification de l’invisible » et le recours à la technique du « lettrisme mystique » d’un Kabbaliste tel Aboulafia, d’un coté et de l’autre, la méditation active du geste dansant et mesuré du calligraphe. Les œuvres de Klee renvoient à cette « présentification » de l’Invisible, certes, mais elles constituent, en même temps, le lieu d’une méditation active qui est le propre de toute création artistique authentique, parce que produite par « nécessité intérieure ». Zenderoudi qui figure dans ce témoignage en tant représentant d’un grand nombre d’ « artistes peintres calligraphes » arabes et musulmans contemporains, ne peut prétendre, quant à lui, ni au statut de « présentificateur » de la dimension divine de l’être, ni à la pratique de la « méditation active » d’un véritable calligraphe. Ainsi, ne peut puiser dans les œuvres qui portent la marque évidente et discrète de l’authentique que les hommes qu’habite la même « Force » (le mot est de Klee) qui a fait produire à leurs prédécesseurs ces œuvres dans lesquelles ils puisent aujourd’hui. Ceux que porte la Passion.
Ce que je voudrais dire, aujourd’hui, c’est qu’à l’époque, je ne me rendais pas compte encore de la dimension idéologique de cette volonté de récupération de toute cette littérature en rapport avec la calligraphie et l’arabesque pour l’investir dans le champ de la peinture internationale, dite abstraite. J’avais même écrit, au début des années soixante dix, sur les colonnes du quotidien « El’Amal » et celles de son supplément culturel hebdomadaire dont mon ami, l’écrivain Ezzeddine Madani était le rédacteur en chef, deux articles sur Hussein Zenderoudi, dans lesquels j’avais implicitement pris position en faveur de ce dernier, comme je l’avais fait, plus tard, pour Nja Mahdaoui en préfaçant le catalogue de sa première exposition « d’œuvres picturales calligraphiques » à la Galerie de L’information à Tunis. Mais, par la suite, et après quelques années de réflexion que j’ai passées à la rédaction de ma thèse, (soutenue au printemps 79) je m’étais rendu à l’évidence que toute cette revendication, par les artistes de culture islamique, de la calligraphie arabe, même par mystique interposée, avait une portée de « stratégie culturelle » beaucoup plus que celle d’une démarche de création artistique.
Je profite de l’occasion pour dire, à propos de littérature mystique que c’est dans ce sens que nous devons pousser nos recherches, à un niveau universitaire, afin de mieux comprendre les dimensions créatrices d’une pensée qui semble avoir été à l’origine du saut qualitatif que les artistes musulmans ont opéré dans l’histoire de la production artistique de l’humanité. Cette tache peut s’avérer stratégique, particulièrement en ce moment où l’on assiste à la dogmatisation de la pensée islamique. Dogmatisation qui n’est pas étrangère à la réduction de l’humanisme islamique en idéologies des extrêmes.
Il faudrait, à mon sens, essayer de mieux comprendre également, les fondements mêmes de la pratique artistique actuelle dont l’origine est occidentale; ainsi que les enjeux multiples et variés dont elle est l’objet, au niveau international. Et ce, dans le but de permettre à nos artistes de se libérer de cette relation passive, aliénante et productrice de mimétisme stérilisant.
Je terminerais par un retour à cette importance que nous devrions accorder à la pensée mystique en rappelant l’intérêt qu’il y a, également, à connaître la mystique juive et ses multiples horizons qui ne mènent pas tous chez les colons barbus de la rive droite du Jourdain. Nos deux pensées n’ont pas toujours été opposées par leurs extrêmes et Ibn Arabi lui même d’ailleurs parle de ses rencontres avec ceux qu’il appelle « machaïkh al-yahoud ».
Je pense qu’il est important pour un plasticien arabe d’aujourd’hui de savoir que Aboulafia (أبو العافية) qui est un grand mystique juif du 14ème siècle de l’Espagne, encore musulmane ,à l’époque, dit que pour aller à la rencontre du saint des saints ,il faudrait s’isoler de nuit dans une pièce, allumer assez de bougies pour qu’il fasse aussi clair qu’en plein jour, ensuite vous prenez les lettres de l’Alphabet hébraïque, vous les mélangez pendant longtemps et ainsi vous accédez à la compréhension de la Langue originelle et vous serez en très grande proximité du Divin. Il faut savoir, également, que cette « manipulation » des lettres au delà du sens, la lettre pour la lettre, la lettre pour la forme, la lettre pour sa « présence plastique » était déjà présente en tant que pratique, non pas plastique ou bien artistique mais pratique de connaissance mystique. Et à ce sujet, je voudrais signaler que le formalisme qui fait prendre à Zenderoudi et à d’autres peintres calligraphes, la calligraphie avant la lettre pour du « lettrisme » est le même que celui qui fait prendre, au peintre israélien Moshé Kastel, le « lettrisme mystique » pour de l’art contemporain sur fond d’identité juive fermée sur elle-même. Ce dernier est en effet l’auteur d’œuvres lettristes parfaitement symétriques à celles réalisées par Hussein Zenderoudi et Nja Mahdaoui. La seule différence est que Moshé Kastel a utilisé les lettres de l’Alphabet hébraïque !
Il faut parler tout cela, car nous sommes bien réunis ici à Beït al Hikma. Nous sommes dans une académie. C’est bon que l’on sache, ce que fait ou pense l’Autre, même dans les cas extrêmes où cet autre se positionne comme « notre Autre Radical ».Notre connaissance de l’Autre, quel qu’il soit, ne peut nous amener qu’à une meilleure connaissance de nous-mêmes. Car si le fait de dialoguer peut constituer en soi une position politique que l’on est en droit de ne pas prendre, la connaissance de la mystique juive revêt, à mon avis un caractère non pas tactique, comme c’est le cas pour la question du dialogue, mais stratégique. Car pour l’artiste que j’estime être, le culturel est la profondeur stratégique du politique. »
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Lettrisme mystique judéo-islamique, calligraphie, peinture abstraite et expression du sacré. | Naceur Ben Cheikh
[…] 1 juin 2011Naceur Ben Cheikh […]