Riche de son expérience au sein du gouvernement, Slim Amamou semble se positionner, en tant qu’observateur, qui se veut objectif et donc distant de ce qui se passe en Tunisie, Aujourd’hui. Alliant son vécu d’opposant actif au régime de Ben Ali qui a eu à connaitre de près, en tant que victime, les pratiques de sa police politique, à la conscience des limites d’un pouvoir auquel il a été associé, par souci de transparence et de représentation, il vient de déclarer que Le corps de la sécurité reste «hermétique». «On ne sait pas. On n’arrive déjà pas à faire la différence entre la vraie police et la fausse»,. La preuve: «Des manifestants se sont fait tabasser par de faux policiers sous les yeux de vrais agents qui ne sont pas intervenus.» Par ailleurs, personne ne connait le nombre de services de sécurité. «Ils se sont réorganisés d’une manière très étrange, comme une cellule terroriste de type Al-Qaida».
Dans cette même déclaration, L’ancien Secrétaire d’État avait auparavant estimé que Monsieur Rajhi est un «ministre bien intentionné», mais «il n’a pas les armes» alors que M. Essid «a prouvé qu’il pouvait reprendre la main, notamment par le biais des hauts gradés.» En plus du fait que l’actuel ministre de l’Intérieur a déjà fait un passage par la maison, ce qui a facilité son intégration. Contrairement à son prédécesseur, M. Essid, a compris qu’«on ne peut pas virer tous les pourris d’un seul coup» et qu’il «va falloir composer avec la situation».
Tout en reconnaissant au Ministre de l’Intérieur son professionnalisme et à Farhat Rajhi ses bonnes intentions, Slim Amamou continue, à mon sens à avoir une vision des choses pour le moins désengagée de la réalité politique du pays. Ainsi, il reconduit sans le vouloir, peut-être, cette « aperception » de l’Etat, dont font preuve un grand nombre de » révolutionnaires » jeunes et moins jeunes, pour qui Etat et Pouvoir n’en font qu’un.
Il faut dire à la décharge des plus jeunes, que cette « fusion peu saine et très dangereuse pour la survie de l’Etat Tunisien moderne, entre le Pouvoir (dans ses trois composantes) et les moyens de l’Etat mis à sa disposition, a été favorisée par le fait accompli d’annexion de l’Etat, édifié par le peuple tunisien, depuis l’Indépendance, par l’équipe de mafieux qui avait pris possession du Palais de Carthage. Le 7 Novembre 87 s’est révélé ne pas être le coup d’Etat médical qui avait porté Ben Ali au pouvoir, mais un véritable coup, porté à l’Etat moderne, dont il a corrompu les rouages et nui à la marche normale de ses institutions.
La survie de l’Etat Tunisien Moderne, en cette période d’incertitude révolutionnaire dans une conjoncture internationale marquée d’hégémonisme mondialisant, ne peut se passer de cette réhabilitation nécessaire de » l’Aura de l’Etat » هيبة الدولة à laquelle devait appeler M. Béji Caïd Essebsi, dès le premier jour de son retour inattendu aux affaires.
D’aucuns, confondant pouvoir politique et Institution, continuent à ne pas comprendre que « l’Aura de l’État » cela se « préserve » et ne s’autorise pas d’un quelconque exercice de l’Autorité, destiné à défendre les intérêts, mal compris, d’un pouvoir en place. Car cette préservation de « l’Aura » est le devoir de tous, parce qu’elle relève de la pratique de la citoyenneté responsable, sans laquelle, il n’y a pas de liberté collective et individuelle possible, origine et garante de toutes les formes de libertés politiques.
Les institutions étatiques, mises à la disposition du pouvoir exécutif et qui sont les ministères de souveraineté les moins politiques et dont le fonctionnement est souvent préservé des aléas des options idéologiques particulières des pouvoirs élus en place, sont les départements de la Défense, de la Justice et de l’Intérieur. Ce n’est pas un hasard, si Aujourd’hui ce sont ces trois départements qui occupent le devant de la scène. Pour le gouvernement de transition, comme pour tout gouvernement, l’instauration de la démocratie, quelle qu’en soit la forme, ne peut se réaliser que dans les limites qu’impose à tous les partenaires politiques en présence, l’espace de vie en commun que constitue l’État. Ce point de vue peut sembler à certains comme relevant d’une sorte d' »intégrisme étatiste », mais selon toute vraisemblance politique, la préservation par tous, de l’État Tunisien Moderne, est le seul rempart contre toutes les formes de dérives politiques susceptibles de faire avorter le projet démocratique de notre révolution.
Ce n’est pas un hasard non plus que des trois départements concernés, seul celui de la Défense, est resté hors d’atteinte des effets « corrupteurs » (au sens d’effet de virus informatique) de l’appropriation de l’État, par le pouvoir mafieux. Les deux autres ministères ayant été corrompus ( au sens informatique et non pas moral) ils ne continuent pas moins à être des programmes de fonctionnement de l’État que l’on ne peut « supprimer » ou « mettre en quarantaine », sans nuire considérablement à leur nécessaire performance, surtout en période d’incertitude politique. Le seul choix qui nous reste c’est de les « réparer » de l’intérieur en les nettoyant des effets de virus, (à distinguer du virus lui-même), en essayant de faire le moins de dégâts possibles. C’est ce que le Premier Ministre ne cesse de rappeler : la réhabilitation de la Justice, cela doit se faire par les Juges et celui de l’appareil sécuritaire par des moyens internes au Ministère de l’Intérieur. Et dans ce cas d’espèce, il vaut mieux éviter les thérapies violentes, aux effets secondaires imprévisibles. Il ne faut surtout pas continuer à avoir de la question une approche moralisante, peu propice à la recherche des moyens les moins onéreux pour notre révolution, pour qu’elle accouche de lendemains que nous voulons tous meilleurs.
C’est dans cette logique, qu’il y a déjà quelques semaines, j’avais écrit sur mon blog un article que j’avais intitulé » Il vaut mieux essayer de savoir où l’on va que de vouloir savoir d’où l’on vient » et dans lequel j’avais rappelé que « lors de sa première conférence de presse qu’il a tenue en tant que Premier Ministre du Gouvernement de transition, Monsieur Mohamed Ghanouchi, devait signifier clairement que la situation à laquelle les Tunisiens étaient confrontés n’était pas des plus rassurantes ni particulièrement stabilisée.
Le flou qui plane jusqu’à aujourd’hui sur le déroulement effectif des événements qui ont eu lieu en cette après-midi du 14 Janvier 2011 et les conditions dans lesquelles le pouvoir suprême a été déclaré vacant pour abandon de son poste par le Président de la République en exercice, semblent totalement absents des données que l’on devrait prendre en compte, dans la compréhension possible de l’attitude du gouvernement à l’égard du problème sécuritaire. Un problème dont beaucoup, parmi les nouveaux politiciens (comme on dit les nouveaux riches) ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre le caractère particulièrement spécifique.
Tant que l’on n’aura pas réalisé que ce flou originel qui caractérise l’avènement de notre révolution pacifique, est l’une des composantes qui lui donnent son aspect inédit, original, et « surprenant », on continuera à la sous analyser, et à s’empêcher d’en comprendre la nature. Monsieur Mohamed Ghanouchi, devait réitérer sa mise en garde, lors de son allocution de démission, en avouant que la raison de son départ résidait dans le fait qu’il n’était, personnellement, pas capable de donner un quelconque « ordre de tirer ». Ce qui ne signifie surtout pas qu’il l’entendait dans le sens d’user d’armes à feu pour faire lever le siège dont son ministère était l’objet de la part des « Kasbagis ». Il faisait, en fait discrètement allusion, aux risques réels d’effusion de sang, auquel le pays était encore confronté. Ce dont il s’agissait, concernait ce « flou d’origine » qui devrait être sauvegardé, pour « raison d’Etat » même en situation révolutionnaire. Les conditions de clarification possible étant d’abord tributaires de ce flou même dans lequel se négocie encore le caractère pacifique de notre révolution. Car c’est bien grâce à ce caractère imprécis, voulu vague et surtout pas claire que la révolution a « pacifiquement cueilli » le pouvoir, sans être obligée de l’arracher par des déchirements violents qui auraient pu atteindre les proportions auxquelles nous assistons en Syrie, pour ne pas parler de nos voisins du Sud.
Il y a donc lieu de souligner l’importance de ce qui se passe dans cette zone d’ombre et qui ne peut être révélé, maintenant, au grand jour, sans que cela nuise à ce flou originel salvateur et qui jusqu’ici a permis au gouvernement de transition de protéger notre révolution de ce qui pourrait nuire à sa réalisation souhaitée. Laquelle réalisation ne pourrait devenir effective, qu’après la transformation démocratique en pouvoir démocratique du processus révolutionnaire engagé. Car, comme l’a rappelé Mr Béji Caïd Essebsi, dès son arrivée au pouvoir de transition, « la révolution n’est pas la démocratie ». Et j’ajouterai après lui que la révolution ne peut acquérir de sens véritable que dans la mesure où elle permet l’instauration de la démocratie.
Car le fait de séparer la révolution de ses « finalités démocratiques » comme le font les membres de ce conseil pour la » sauvegarde des intérêts et des fins ultimes de la révolution », fait planer le flou, non pas sur les origines de cette dernière mais au niveau de sa finalité. Ce qui la rend vulnérable et susceptible d’être détournée par n’importe quel Kadhafi en puissance, dont le caractère « révolutionnaire » de sa troisième théorie mondiale » tire sa spécificité du discrédit qu’il jette sur le mode de gouvernement démocratique lui-même
Naceur Ben Cheikh
4 réponses
Amir Ayouni
Une sage archéologie mon cher professeur.
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Kert
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