Il y a un peu plus de vingt ans, Sadika Keskes venait d’engager dans son atelier de verrerie d’art privé, un enseignant tchèque, responsable de la formation en cette spécialité à l’Institut Technologique d’Art ,d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis et qui n’était autre que son propre professeur. L’année d’après, cette spécialité n’était plus enseignée et l’atelier de verrerie des Beaux-Arts Bab Saadoun (que certains collègues se plaisent à qualifier d’école mère), était fermé. L’administration de l’époque avait donné comme explication à cette décision, le coût élevé de la formation (30000 dinars par an pour la facture du gaz pour peu d’étudiants. La « marque Sadika » étant lancée , sa production , figurait désormais dans les catalogues publicitaires, publiés par l’Office de l’Artisnat.
A la même époque, un jeune artiste amateur, du nom de Jamoussi avait participé à un concours des PTT et a réussi à se faire éditer un timbre d’une série consacrée aux Métiers d’Art tunisiens en recevant la modique somme de 300 Dinars. Le timbre en question reprenait , en la prenant pour l’image d’un objet d’art tunisien authentique, la photo d’une oeuvre de Sadika et signalée comme telle sur le timbre du jeune Jamoussi. Le support du timbre poste ,avec ses retombés publicitaires et sa symbolique de consécration, était objectivement une véritable manne pour Sadika Keskes. Mais contre toute attente, cette dernière, dès qu’elle avait appris l’existence de ce timbre, elle envoya son avocat prendre contact avec Jamoussi pour lui demander de lui restituer les droits d’auteur, sur les 300 dinars qui lui ont été remis par la Poste. Me connaissant, le jeune homme était venu me voir pour que je demande à Sadika, que j’ai connue étudiante ,de le laisser travailler J’avais alors demandé à mon ami Rachid Fakhfakh d’intercéder auprès de Sadika pour qu’elle cesse sa menace de poursuites judiciaires à l’encontre du jeune homme qui, a réussi, depuis quelques années déjà à dépasser son handicap, mais à l’époque il était malentendant.
Aujourd’hui, je vois qu’après tout le succès qu’elle a eu dans son entreprise, elle continue à pratiquer cette logique qui consiste à vouloir gagner sur tous les tableaux à la fois. La réalisation de la sculpture hommage à Sghaier Ouled Hmed était une commande qui constituait, en tant que telle (25000 Dinars) une affaire, relativement bonne. Mais il fallait aussi exiger des dividendes à caractère symbolique, en mettant à profit cette occasion pour se mettre à la hauteur du grand poète. Rares sont ceux qui avaient pris la peine de lire le contenu de la plaque commémorative construite sur socle de marbre, elle aussi à côté de la statue. Celle-ci explique le sens de l’événement en trois langues à travers ces propos : « De Sadika Ouled Hmed Prière Eternelle » (dixit le texte en Français). En s’immortalisant à travers cette prière éternelle qu’elle adresse à Allah (je suppose) en faveur du poète, elle s’attribue une dimension symbolique de l’ordre du spirituel qui semble peu de circonstance. A moi la gloire, pour les siècles des siècles …..et l’argent.
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