Ceux, parmi les islamistes tunisiens, qui projettent leurs positions sur celles du Parti d’Erdogane se trompent lourdement et réfléchissent par amalgame. Et ce, en considérant qu’il n’y a qu’un seul Islam totalement dé-contextualisé et an-historique qui se résumerait en la croyance en la Tradition et aux principes moraux qui la sous tendent. Selon Rached Ghanouchi, tout régime quel qu’il soit qui veillerait à l’application, même formelle, de ces principes, aura droit à son encouragement et au soutien de l’organisation politique dont il est le chef. C’est ainsi qu’il explique son soutien à Sakhr El Materi qu’il a félicité, le jour où ce dernier avait inauguré sa chaine radio religieuse « La Zitouna » du même nom que sa « Banque islamique ». C’est dire également qu’en matière de démocratie islamique, il n’hésite pas à associer l’idée que l’on devrait se faire de ce mode de gouvernement à l’Iran de Khomeyni, à l’Afghanistan des Talibans, et à la Turquie de l’AKP, tout en privilégiant le dernier exemple, en se proposant de l’adapter à la Tunisie pour avoir la bénédiction des Américains.
En réfléchissant de cette manière on ne peut plus « généraliste », on soustrait à l’Islam sa qualité spécifique de « vision du monde » en le réduisant à un projet politique inconséquent, dont la finalité religieuse moralisante ne fait que servir de couverture sophiste à une volonté de domination qui n’aurait du projet politique que le désir d’accéder au pouvoir. Ce qui ne peut qu’arranger les puissants de ce monde qui n’ont pas intérêt à ce que les peuples du Maghreb, accèdent au statut de producteurs d’histoire. Parce qu’à leurs yeux, ce qui importe c’est d’abord d’en assurer la gouvernance pour faire durer le plus possible la stabilité politique nécessaire à la Pax Américana et sans laquelle l’activité dominante de libre échange ne peut prospérer.