Si nous lâchons Abdelkérim Zbidi aujourd’hui, nous allons lâcher la patrie. Par Mounir Chebil.
Que faut-il à cette Tunisie meurtrie, trahie par ses partis politiques de la honte, ankylosée par un parlementarisme « cacaphonique », tiraillée par une gauche gauche et des syndicats à l’appétit gargantuesque, bradée par les médias de la désinformation, menacée par l’intégrisme nahdhaoui et son aile terroriste, émiettée par le régionalisme de tous les dangers et déchirée par un corporatisme ravageur ? Certainement, un Etat fort qui sonne la fin de la récréation et rassemble les pièces du puzzle qui se détachent graduellement les uns des autres. Cet Etat, la Tunisie en a été dotée. L’Etat de Bourguiba. C’était la locomotive qui a mis le pays sur le chemin du progrès, du développement et de la modernité. Depuis 2011, cet Etat est sous le coup du système de marteau, provoquant progressivement la déliquescence de ses institutions et de son autorité.
Ceux qui ce sont érigés en fossoyeurs de cet Etat, sont ces mercenaires tunisiens de tous bords, de la gouvernance par le chaos, fondement idéologique du Printemps arabes aux couleurs automnales. Il fallait semer le chaos dans les pays arabes par l’ébranlement de leurs structures étatiques, pour mieux les asservir à la politique occidentale en général et américaine en particulier. La Tunisie en était le cobaye. Plusieurs acteurs ont contribué à cette politique du chaos en Tunisie.
Premièrement, toute cette petite bourgeoisie à col blanc ou enturbannée qui, profitant du vide laissé par la chute du régime de Ben Ali, s’est érigée en « élite politique démocratique et progressiste ». Elle s’est ruée sur les diverses sphères du pouvoir et des médias pour s’octroyer une notoriété et une ascension sociale par le commerce et la prostitution politiques avec tout ce qui s’en suit de quête de butins, de charlatanisme, et de compromission. Parlant au nom du peuple, cette classe parasitaire, l’a écrasé après avoir ébranlé l’Etat qui le protégeait, ouvrant, ainsi, la voie à toutes les dérives.
Dérive islamiste conduite par des frères musulmans tunisiens qui ont un intérêt stratégique dans la destruction de l’Etat civil pour instaurer, même par la terreur, l’Etat islamique inséré dans la grande nation islamique. Car, pour eux et comme l’a défendu Rached Ghannouchi dans son livre, Les libertés publique dans l’Etat islamique « l’autorité de la charia est une obligation qui pèse sur tous les musulmans et qui exige l’insertion de la nation musulmane dans une organisation politique qui est l’Etat islamique. L’Islam est le fondement de la nation et de l’Etat qui doit être l’Etat de la nation qui rassemble tous les musulmans quelles que soient leurs races, et leurs langues. » Dans ce même ouvrage programme et à la page 353 « L’exclusivité de la charia comme seule source légitime le l’organisation du pouvoir politique et de la société, impose aux personnes, aux partis et aux associations de souscrire obligatoirement au rôle de l’Islam dans l’organisation de la vie publique, c’est à dire à l’État islamique.»
Sur le plan économique et social Rached Ghannouchi prône le désengagement total de l’Etat et de son rôle régulateur. (Voire son ouvrage sus cité, pages 195 et 198.) L’Etat providence ne doit pas exister. La solidarité institutionnalisée serait suppléée par la solidarité volontariste. C’est le libéralisme d’Adam Smith avec une connotation rétrograde qui devrait régir la société. La vente et l’achat étant bénis par Dieu, c’est le retour au mercantilisme primaire des premiers temps de la Mecque, que les frères musulmans tâchent de restaurer donnant un champ libre, depuis 2011, à une autre dérive, la dérive mafieuse.
Cette dérive, est conduite par tous ces contrebandiers en tout, ces spéculateurs dans tout, ces rentiers, ces affairistes sans scrupules, ces corrupteurs, liés au terrorisme même. Ces assoiffés d’argent facile au détriment de l’Etat et des lois, ont intérêt dans l’affaiblissement de son autorité. N’ont-ils pas instauré une économie parallèle qui représente 50% de l’économie du pays !?
Yousef Khaznadar, Nabil Karoui, Mehdi Jomaa, partagent avec les frères musulmans, le libéralisme total, le mercantilisme primaire avec ses effets mafieux et spéculatifs, ainsi que la solidarité volontariste pour asservir les nécessiteux par quelques victuailles distribuées au gré des donateurs et des occasions religieuses. Aussi, toutes ces tares, ne sont nullement la tasse de café d’Abir Moussi.
L’impératif aujourd’hui est à la réhabilitation de l’autorité de l’Etat. Elle est seule garante de la stabilité et de la sécurité, deux conditions pour la relance économique vers laquelle toutes les énergies doivent converger, tout en l’entourant des incitations nécessaires. L’équation est toute simple, l’autorité de l’Etat entraine la stabilité sociale, qui à son tour stimule la relance de la machine économique, qui elle-même entraine la production des richesses, qui entraine une redistribution équitable dans un esprit social démocrate où l’Etat providence et la solidarité institutionnalisée auront leur lustre, comme du temps de Bourguiba. Ainsi, faut-il, comme l’enseigne un économiste sorti des prairies : « préserver le mouton du loup, laisser sa laine pousser pour la tondre en suite. »
Si Abdelkérim Zbidi, n’est nullement indifférent ni étranger à la notion de l’Etat, à l’autorité de l’Etat et de sa souveraineté ainsi qu’à la nécessité de la paix et de la stabilité sociale pour remettre le pays sur pied. Ministre de la défense, il a fait assumer publiquement la faillite du pays à l’infantilisme des politiciens actuels. Ils auront des comptes à rendre à l’histoire a-t-il dit. Il les a traités de piètres démagogues au sein même du parlement. Plaidant pour l’efficacité et l’organisation, il a déclaré dans une réunion autour de la santé publique, que ce secteur malade, n’a besoin que d’ordre, de discipline et d’organisation, un pavé jeté dans le bureau du chef du gouvernement Y. Chahed.
La liberté, la loi, la démocratie, la justice sociale, ne sont protégées que par un Etat fort susceptible de prémunir la société de l’anarchie et de tous les extrémismes. Si nous lâchons si Abdelkérim Zbidi aujourd’hui, nous allons lâcher la patrie. Ce serait la Tunisie hilalienne, la Tunisie de la fin de l’époque Ziride, la Tunisie de la fin du XII ème siècle, saccagée et pillée par les frères Ali et Yahia Ben Ghania, en fin la Tunisie livrée à la folie islamiste. Dans ce cas, commençons à lever les murs des lamentations et à confectionner les fouets de l’auto flagellation.
Elu, si Zbidi, aura à gouverner le pays même dans le cadre du régime parlementaire actuel, en recourant à la magistrature d’influence. Il aura donc, besoin plus que jamais, du soutien inconditionnel de tous les patriotes pour le prémunir du sort de si Habib Essid, condamné comme le calife Ali Ibn Abi Taleb, à étouffer des discordes récurrentes jusqu’à son assassinat par les kharijites.
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