A dire d’elles. Par Esmahan Ben Moussa et Asma Smadeh
Le 08/03/2019, correspondant à la Journée Internationale de la Femme, Nouhed Jmaïel convie le public au Vernissage de la 7ème édition de « à dire d’Elles », désormais rendez-vous incontournable où les artistes, cribleurs de rétine, s’expérimentent amusés à des sensibilités picturales et photographiques, au dessin, à des installations, à la céramique, à des possibles intériorisés- extériorisés, où le maitre-mot est la révélation de la trouvaille, les jeux des matières et des matériaux repoussant et bousculant les échafaudages et canevas consommés aussi bien de la représentation que de la lecture.
Déambulant au milieu des visiteurs, enchantées de l’accompagnement et des discussions avec les artistes, la composition de Besma Hlel savamment déclinée à partir de lames de rasoirs, nous tranche la voix(e), dans un geste lacérant qui contourne la trivialité du matériau, coupé en deux morceaux symétriques, identiques et complémentaires. Ces lames complaisantes s’aiguisent en carrés emboités, en étirements circulaires, mathématiques et quasi-fractals, se brisant les uns dans les autres. Complice de ses lames, Besma Hlel escorte leur errance dans un ordonnancement en apparence aléatoire. Que disent ces lames ? Que disent ces objets insondables, sinon une invitation à s’arrêter le temps d’un regard, d’une divagation, et de réfléchir dans une durée sans fin à notre devenir-femme, aussi angoissant que fascinant, comme ces « Arab-Est-que ».
En ligne diagonale, nous voici arrachés à cet univers métallique pour plonger dans deux tableaux présentant deux corps de femmes, objets-prêts à porter, des mains de Asma Ghiloufi dessinés à l’aide d’un graphite et découpés sur un papier d’aquarelle, légèrement crayonnés et collés sur fond de velours rouge-volupté, de fils cousu. La verticalité des fils vient consacrer le statisme du torse du mannequin tout en enchâssant les rondeurs en bas. Sur l’un des deux corps une pomme magrittienne, posée en totem à l’endroit du péché. L’entrejambe dégage un collage, lissé-glacé, tiré d’un magazine de publicité. Des hommes dans un intérieur palatial, dont la disposition rappelle une « Cène », et au-dessous un autre collage également tiré d’un magazine. On y lit : « Qui croit en moi n’aura jamais soif ». L’image de signes chargée, trahit, renvoyant notre envie de verbaliser, à la plasticité du travail de Asma Ghiloufi, au cœur duquel sa réflexion amusée sur un kitch sémiologique dérisoire et abusé, se construit.
« Royaume » est une œuvre photographique grand format, en noir et blanc de Omar Bsais qui se démarque par ses prises de vues quasi-perspectivistes. C’est dans l’enchantement et en une douceur onirique que s’accomplit l’immersion du regardeur dans ce moment capté par l’objectif de Omar Bsaies. Arpentant le quotidien des rues, le photographe ne cherche pas, il trouve. Pénétrons donc ces sanitaires où des objets ordinaires, évier, balai, serviettes, seau etc., s’entreposent entre des murs délabrés.
Un seuil, une porte, un chauffe-eau, une lampe allumée et grossièrement accrochée. La fenêtre inonde l’intérieur de lumière et un homme narguant le monde, trône sur sa chaise en plastique, jambes croisées, contemplant la nonchalance, contemplant la solitude, contemplant l’Etre-ici même. Au royaume de la photographie, pénétrez, en un silence religieux et pensez à ces mots de Roland Barthes, « D’un corps réel, qui était là, sont parties des radiations qui viennent me toucher, moi qui suis ici, peu importe la durée de la transmission, la photo de l’être disparu, vient me toucher comme les rayons différés d’une étoile » (La chambre claire).
Nader Boukadi, que dire de lui ? Artiste jusqu’aux tripes, bouleversant, ses corps difformes, et ses gribouillis illisibles, nous dessaisissent, nous dépossèdent. L’immédiateté de l’expérience réceptrice se refuse à tout filtre interprétatif et nous plonge profondément dans notre Désêtre propre. Nostalgiques et déboussolées par ses « jeux synaptiques », nous plongeons en Hallaj comme par résonance.
سكوت ثم صمت ثم خرس
وعلم ثم وجد ثم رمس
وطين ثم نار ثم نور
و برد ثم ظل ثم شمس
وحزن ثم سهل ثم قفر
ونهر ثم بحر ثم يبس
وسكر ثم صحو ثم شوق
وقرب ثم وفر ثم أنس
وقبض ثم بسط ثم محو
وفرق ثم جمع ثم طمس
عبارات لأقوام تساوت
لديهم هذه الدنيا وفلس
وأصوات وراء الباب لكن
عبارات الورى في القرب همس
وآخر ما يؤول إليه عبد
إذا بلغ المدى حظ و نفس
لأن الخلق خدام الأماني
وحق الحق في التحقيق قدس
Parcourons la galerie, nous rencontrons d’autres travaux intéressants, des peintures, des photographies, des installations photographiques, des œuvres en céramiques, qui méritent vraiment le détour. Ici et là, la cruauté de notre déformation rétinienne d’historiennes de l’art nous rattrape, un peu de Jackson Pollock dans telle œuvre, un peu d’hyper-réalisme dans une autre, et vaguement, un peu de Guernica. Nous stressons comme par culpabilité. Heureusement Oussema Troudi nous livre la Clé : Mesdames, si vous êtes stressées, Coloriez !
A deux mains, Esmahen Ben Moussa et Asma Smadeh
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