En ces temps où l’opportunisme éhonté de la classe politique, dans son ensemble, semble s’étendre à ce que j’ai toujours appelée « la classe culturelle », je me risque à écrire, en sachant que le contenu de cet article sera dérangeant pour une bonne majorité de ceux qui font partie du milieu professionnel dans lequel je suis inscrit, par la force des choses.. Cette classe culturelle que constitue ce milieu comprend, non pas les créateurs, mais des personnes de toutes obédience qui ont un rapport, pour le moins intéressé à la Culture institutionnalisée que l’on a pris l’habitude de désigner sous le vocable économique de Secteur de la Culture « قطاع الثقافة » .Et que l’on subdivise en sous secteurs des Arts plastiques, du théâtre, du Cinéma, de la Musique, de la Littérature. Cette réduction de l’activité de création, en principe désintéressée, en objet de gestion, d’opinion et de lieu d’investissement de désir de pouvoir symbolique, fait oublier, à ces réducteurs, les précautions méthodologiques que tout chercheur se doit de prendre lorsqu’il prend pour objet d’analyse le champ culturel. Ces précautions se rapportent au fait que le chercheur se doit d’abord d’historiciser l’objet de sa recherche. Surtout quand il s’agit de l’objet « Musée » et de Musée d’art en particulier.
Un musée n’est pas un lieu dont la forme définitive répondrait à une fonction établie et qui serait celle de « conserver », « préserver », étudier « scientifiquement » (?), , « animer » (donner une âme?) et de servir de dépôt sûre pour une collection de l’Etat dont les œuvres, une fois acquises, par la Commission d’Achat, dans le cadre d’une politique de soutien-subvention et encouragement à la création, deviennent « Propriété de l’Etat ». Une fois « sacralisées comme tel, leur dépôt ,entretien, conservation, préservation se fera automatiquement pour tous ces objets, sans prendre en considération la valeur esthétique réelle de chacun, au point que les charges découlant de ces opérations dépasseront, de loin leur « prix réel » au vu d’un quelconque potentiel marché d’oeuvres d’art. En tant qu’objet de collection, pour beaucoup, ce « prix réel » est souvent inférieur à la somme allouée par la Commission d’Achat, au moment de son acquisition auprès de l’artiste « subventionné ».
Cette pratique de la subvention automatique, institutionnalisée par la Commission d’Achat, a fait l’objet de débats se rapportant à son effet » fonctionnarisant » et corrupteur, qui transforme la pratique artistique en « production finalisée » visant, d’abord, l’obtention de la subvention allouée aux artistes par le biais de cette Commission . Cette pratique de la subvention de la création artistique par la Commission d’Achat, est issue du recours à une sorte de jeu d’écriture comptable, par le biais duquel on justifie une dépense à caractère symbolique, donc difficilement classable, en l’attribuant à un article de dépense publique qui fait assimiler l’acquisition d’oeuvres d’art à l’acquisition de meubles ou de livres que l’on « inventorie » et enregistre au dépôt, avant de pouvoir en payer la facture. Tous les collègues qui ont eu à accomplir les formalités de dépôt de leurs oeuvres acquises par la Commission d’Achat, ont eu à remplir ces conditions à caractère comptable : facture dûment signée par l’artiste et attribution d’un numéro d’inventaire autorisant l’établissement du bon de caisse. Ce recours au jeu d’écriture permettait, en 1974, du temps où j’étais chargé de mission au Cabinet de Si Chedli Klibi, de payer les membres de la Commission d’Achat dont j’étais le président, sous l’article de « Travaux de lecture pour le compte du Ministère ».
Ne pas tenir compte de cette réalité « administrative » comptable qui, en l’absence d’une juridiction spécifique et adéquate, traite, jusqu’à aujourd’hui la production artistique, à valeur symbolique, comme des objets pérennes collectionnés par l’Etat, dans le cadre de sa politique de subvention à la création artistique, c’est fonder toute réflexion possible sur le mode de gestion du « Fond National d’oeuvres d’Art » qui compterait plus de 12000 objets, sur une mystification, que beaucoup, parmi les membres de la classe culturelle et les artistes eux-mêmes cautionnent pour des raisons d’interêt matériel évident. Loin de toute éthique ou considérations morales qu’impose l’activité de création artistique elle-même.
Donc ne nous emballons pas en profitant de l’accumulation durant des années de ces objets de dépôt, inventoriés d’une manière sommaire et déposés, au départ, dans les caves du Ministère, ensuite au Palais du Bardo, (qui est aujourd’hui l’objet d’un projet de restauration globale), pour « dramatiser-culpabiliser un pouvoir qui sous ses différentes périodes, a osé subventionner la création artistique, depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui sans s’être donné les moyens de gérer les conséquences matérielles de cette politique on ne peut plus « progressiste ». Et surtout pour prendre en otage le dernier des représentants de cet Etat et faire de cette histoire de « Fond National » et de Projet de Musée National d’Art Moderne et Contemporain un objet de convoitises et d’ambition douteuse à caractère opportuniste administratif.
Qu’en est-il au juste de cette histoire de Musée D’art Moderne et Contemporain que l’on présente comme ayant été l’objet de revendications et de plusieurs tentatives avortées, de réalisation.
Soyons précis et ne lisons pas l’histoire comme si elle n’était pas faite de ruptures dont l’exemple le plus proche de nous est la Cité de la Culture elle-même. Il n’est pas certain que le projet initial,r esté inachevé, aurait eu le même arrière plan idéologique que celui d’après son détournement-récupération après la Révolution, pour en faire un outil de développement culturel; mis au service des créateurs, toutes disciplines rassemblées sous un même toit.
« Le Centre d’Art Vivant » n’était pas un Musée D’art Moderne et Contemporain qui souffrirait de l’exiguïté des lieux hérités du Casino du Belvédère. Il était destiné, surtout à abriter une grande bibliothèque spécialisée dans l’Histoire de l’Art et recevoir des expositions à thèmes, pour faire connaitre l’histoire de la peinture en Tunisie, de la période coloniale jusqu’aux années soixante dix. J’ai dans mes archives personnelles la note portant accord de Si Chedli Klibi et que je lui avais présentée comme programme de travail , lors de ma nomination en tant que chargé de mission au sein de son cabinet, au moment où Allala Lakhdhiri en était le Chef. Dans cette note j’avais proposé la création de ce centre,de la bibliothèque spécialisée et surtout le regroupement, au sein du Ministère de la Culture de toutes les oeuvres acquises par l’Etat, durant la période coloniale dont un grand nombre meublait les bureaux des Ministères (particulièrement celui de l’éducation nationale ), pour en faire la collection de départ de ce qui sera au fil des année l’actuel « Fond National » objet de controverse et de surenchères politiciennes sur fond de démagogie et de mystification. Il est vrai que sans la prise en charge du projet par Zoubeir Turki et la désignation de Ali Louati à la place de Zoubeir Lasram, le projet n’aurait pas eu l’aboutissement remarquable qu’il a eu.
Le Musée d’El Abdellia, restera, par contre, dans les anales de l’histoire du Ministère de la Culture comme étant un projet flou dont on ne connaissait que le nom du directeur qui n’était autre que Mon ami Houcine Tlili, qui à l’époque usait de discrétion quant à la nature du projet dont il était le directeur.
Ce qui n’est plus de nature à m’étonner, c’est de voir combien cette campagne déclarée contre Mohamed Zinelabidine, peut se passer de toute cohérence dans un discours qui frise la calomnie. Durant toute la période où Sami Ben Ameur se mouvait d’une manière pour le moins spectaculaire et ostentatoire, en tant que chargé de la direction du Musée D’Art moderne et Contemporain, Houcine Tlili ne l’avait pas ménagé et aujourd’hui, après la démission de Sami et le constat de son isolement et son abandon même par ses alliés d’hier, Houcine reprend l’argumentation de Sami qu’il fait sienne et crie à l’abandon du Projet pour des raisons de « manigances administratives » se rapportant à une hypothétique main mise de l’administration sur la gestion du projet.
Il s’agit, à ma connaissance, d’un sage changement de cap opéré par le ministère après le constat d’échec du passage de Sami à la tête du projet et la clarification qui en est résulté quant à la nécessité de tenir compte des moyens matériels et humains dont on dispose, aujourd’hui.
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