L’Université à l’épreuve de l’Economie : 3. Le travail n’est pas l’emploi. (Rédigé en 2004)

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Conditionner nos programmes de formations au marché de l’emploi, tel qu’il est perçu par des chefs d’entreprise, dont une bonne partie ne sont pas outillés pour faire face aux défis qualitatifs qui se posent à notre économie, ne serait pas souhaitable pour notre Enseignement Supérieur et encore moins pour notre Economie, si l’on croit les mises en garde, émises par les chercheurs les plus éminents en matière de gestion d’entreprises.

Ecoutons plutôt, Philippe Clerc que l’on se propose, à dessein, de citer longuement, nous parler de l’intelligence économique : « Répondant au besoin urgent d’appréhender l’économie dans un autre langage que celui, réducteur, de la simple compétitivité, l’intelligence économique ne propose ni modélisation ni vision miraculeuse des échanges, simplement une démarche qui s’attache inlassablement à déchiffrer indices et signes, à interpréter, à écouter et à comprendre. Ce comportement cognitif fait référence à une forme d’intelligence, la mètis grecque, ou intelligence rusée, longtemps occultée par la pensée trop rationnelle et la science triomphante, et qu’il convient à présent de réinterroger, afin de mieux définir les outils de l’intelligence économique. “Engagée dans le devenir et l’action, la mètis, rappellent Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant, est bien […] un mode du connaître ; elle implique un ensemble […] d’attitudes mentales, de comportements intellectuels qui combine le flair, la sagacité, la prévision, la débrouillardise, l’attention vigilante…” Multiple et polymorphe, “elle s’applique à des réalités fugaces, mouvantes […], qui ne se prêtent ni à la mesure précise ni au raisonnement rigoureux »[1].

Ce qui se dégage clairement de ce discours, tenu par un spécialiste en la matière et dont l’approche quelque peu pragmatique, mais dite, pourtant,  française, considère, urgent, le dépassement  du langage réducteur de la simple compétitivité, autorise à dire qu’il serait plus judicieux d’examiner, la validité de la démarche même qui fait identifier souvent le travail à l’emploi et lie l’adoption de tout cursus de formation à son adéquation avec les besoins de notre économie en employés. Car, finalisé de la sorte, notre enseignement ne peut être à la base d’une vision réellement active et véritablement réformatrice de notre économie.

Il serait peut-être utile de procéder, à ce niveau d’analyse, à la précision de cette idée qui consiste à différencier le travail de l’emploi, c’est-à-dire, à distinguer ce dernier de l’activité de production qui s’y effectue.

Curieusement, emploi cela se décline en termes d’offre d’emploi, faite, souvent par voie d’annonces, d’une part, et de recherche de travail, sous forme de demande écrite, de l’autre. Pourtant dans ce rapport, qui semble inversé, c’est bien le demandeur d’emploi qui va procéder à l’offre de ses services. Ce n’est que, lorsque le service offert correspond à une compétence, qu’il devient l’objet d’appel à compétence, formulé par l’employeur.

La notion d’emploi semble, toutefois, relever du discours politique qui donne au travail ce sens réducteur de « gagne pain » et qui aurait, pour fonction, de lutter contre le chômage.

D’un point de vue éthique et au cas où l’on donnerait au travail sa vocation libératrice, la lutte contre le chômage acquerrait une fonction symbolique de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Il faudrait rappeler que l’injonction faite à Adam par son Créateur : «Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front !» n’est pas une damnation et constitue, en fait, le prix de cette liberté assumée et consciente de ses limites qui place l’être humain, au dessus de l’ange. C’est dans ce sens que créer du travail, peut relever, au niveau politique, du « sacré » (çà crée) et donner à l’activité privée, «capitaliste», de création d’emplois, une dimension mystique qui n’est pas étrangère à la réussite de la famille indienne Tata, d’origine parsi, et dont l’empire s’étend sur un très grand nombre de secteurs d’activité, de l’économie indienne, depuis plus d’un siècle.

Ce point de vue éthique qui sacralise le travail, en en faisant une activité de libération et l’activité du  capitaliste, parce que créatrice d’emploi, rejoint au point de s’y identifier, le point de vue de l’Economie. Cette dernière, se définit d’abord, comme activité de mise en valeur de la matière première, par sa transformation, à travers l’activité de production et d’échange, en biens et services. Comme on le sait, l’instauration même des sciences de l’économie s’origine dans la considération de l’activité, avant celle du produit. Ce qui n’est pas sans répercussion sur la relation qui s’avèrerait originelle, entre le travail et l’économie. Le terme travail désigne une activité, toujours particulière, qui nécessite, pour son accomplissement conséquent, qu’elle soit productrice de valeurs nouvelles (ajoutées) et ce, par l’intervention adéquate d’une compétence réelle. D’où cette idée qui avait été à l’origine de l’essai de réforme de l’enseignement secondaire, il y a une dizaine années, et qui ne semble pas avoir abouti, faute d’une compréhension profonde de la notion de compétence. L’on avait peut-être oublié que depuis que John Dewey,[2] avec son Ecole laboratoire, a donné au  pragmatisme  éducatif américain, ses formes les plus performantes, la compétence n’est plus comprise comme étant une simple formation que l’on acquiert par l’apprentissage, mais, plutôt comme une capacité à être producteur, à laquelle on accède par un mode d’éducation, issu d’une vision du monde, effectivement réputée  américaine  mais que l’on peut recréer, ailleurs, en partant, nécessairement, des données particulières de son époque et de son pays.

Comme on peut le constater, à partir du moment où l’on aborde la question de l’emploi, du point de vue de la fonction, du travail et de la compétence, l’on se retrouve induit dans une approche de l’Education et de l’Enseignement qui place le système dans des positions de simulation de l’expérience de la vie même, dont le passage, par l’école et l’université, constitue une des phases, au cours de laquelle, on acquiert la compétence requise, pour y réussir son intégration active.

Cette approche de l’emploi fondée sur une certaine acception qui donne à ce dernier le sens d’une participation de compétence à l’activité économique, pourrait paraître, aux yeux de certains, comme manquant de référence au caractère social de la question. Après tout, nous sommes habitués à évoquer les problèmes que posent le chômage et la création d’emplois, en termes de réalité socio-économique dont toute gestion politique doit tenir compte. Mais, en fait, ce qui serait effectivement absent de cette vision du monde, bien ancrée dans l’activité de production économique, ce ne sont point les considérations sociales, mais l’utilisation de ces dernières, en vue de transformer la solidarité dans et par le travail et la juste redistribution des richesses produites ensemble, en action d’assistance sociale, caritative ou  politicienne.

C’est, en fin de compte, une question de choix, de traditions et de manières différentes de comprendre les notions d’intérêts personnels et collectifs.

Cette différence de vision se retrouve, d’ailleurs, dans le sens particulier, que chaque société a de la notion d’employabilité. Dont celui, en usage en France, et que certains économistes français qualifient, eux-mêmes, de concept flou et opportuniste et situent son emploi dans « les pratiques d’évaluations lors des restructurations avec plan de sauvegarde de l’emploi. »[3]

L’interprétation qui en est faite, en Tunisie, semble proche, formellement, de l’usage anglo-saxon du concept qui privilégie l’idée de formation et d’aptitude plutôt que celle de sauvegarde de l’emploi. Mais cette interprétation tunisienne lie, par ailleurs, la notion d’employabilité, non pas à un mode d’éducation formateur de compétence, mais à certains créneaux de formation, jugés comme ayant un taux d’employabilité plus élevé que d’autres. En conséquence de quoi, la correction de l’inadéquation observée entre les programmes de formation et les besoins de l’économie, se ferait à partir de la recherche de spécialités     qui correspondraient, plus que d’autres, à ces besoins.

Du coup, ce qui aurait pu être l’occasion d’une évaluation réelle du système, deviendrait propositions de création de filières et d’institutions nouvelles, fondées sur des considérations, vagues et très approximatives, des besoins d’une économie dont on ne connaît pas assez le fonctionnement. Les seules données dont on dispose ce sont des besoins, exprimés par des partenaires ayant, en principe, en charge les destinées de notre économie, et que l’on se contente de qualifier d’employeurs.

L’absence d’une vision, véritablement claire de la situation, se laisse également observer dans cette succession de versions différentes de la solution qu’à partir des débuts des années 90 l’on se proposait d’apporter, au constat objectif d’inadéquation structurelle, entre l’Université et le monde de l’Economie et partant entre les besoins de cette dernière et les programmes de formation de l’Enseignement Supérieur.

C’est, effectivement, depuis plus de quinze ans, que l’on avait commencé à poser le problème, mais dans des termes qui dénotaient d’une référence formelle, au système éducatif, d’outre Atlantique. Et ce, aussi bien au niveau de la réforme de l’Enseignement Secondaire, pour lequel on se proposait d’appliquer une approche par compétence, qu’ à celui de l’Enseignement Supérieur, où l’on s’était rendu compte de la nécessité de la formation, par l’Université, d’autres profils de jeunes citoyens, capables d’initiatives.

En fait, même si cette référence implicite au « pragmatisme éducatif » pourrait revendiquer une certaine pertinence, cette dernière, pour devenir certaine, devrait être dégagée, au départ, de cette approche formaliste qui consiste à se référer au produit final, plutôt qu’au processus de production. En l’absence d’une analyse véritablement économique de notre système éducatif, l’on s’est cantonné à prendre pour Modèle, un système qui fonctionne bien dans son pays d’origine, et dont a pu constater la qualité des produits : à savoir, des cadres compétents, capables d’initiative. L’approche compétence, perçue, seulement à travers ses résultats, a été, en conséquence, transformée en approche par compétences et de mode spécifique d’éducation et de formation, elle allait signifier des contenus d’enseignements,  plus proche de la pratique, que l’on allait donner aux intitulés des matières, déjà existantes.

Cela n’était pas assez pour constituer une réforme, mais le besoin de cette dernière, devenu nécessité, a fini par se traduire sous la forme d’une décision politique à caractère structurel, à savoir, l’adjonction de l’activité de Formation Professionnelle,  au Département de l’Education. L’on ne peut donc que souhaiter que, dans ce cas, l’organe finisse par créer sa fonction et que l’intégration de la formation professionnelle, au sein des programmes de l’Enseignement secondaire, serait le point de départ d’une réforme, fondée sur une approche compétence qui serait, cette fois-ci, d’origine.

Quant à l’idée de formation d’étudiants  capables d’initiative, au sein de nos institutions universitaires, qui aurait pu aboutir à une réflexion approfondie sur la nécessité d’une réforme en profondeur de notre système, le formalisme de leur vision a fait que ceux qui en parlaient, le faisaient du point de vue de la création d’emplois. En toute bonne logique l’on avait, alors, commencé à parler de formation de créateurs d’emplois. Ces derniers seraient capables de créer des postes d’emploi et d’y employer ceux, parmi les jeunes sans emploi, qui n’ont pu être intégrés au système de production.

Mais l’on sait que cette orientation vers la formation de jeunes ayant l’esprit d’entreprise, n’a pu être traduite dans les faits que par l’introduction de quelques cours d’économie et de gestion, dispensés à des étudiants, d’institutions autres, que celles spécialisées dans l’enseignement de ces deux disciplines. Cela, en plus des solutions à caractère structurel et non de formation, qui ont trait, à ma connaissance, à la création de pépinières d’entreprises et de centres de soutien (information et apport logistique), aux jeunes diplômés en économie et gestion ou en agronomie. Quelques années plus tard, on en était encore à recourir à des palliatifs, destinés à  nous faire l’économie d’une réforme conséquente de notre système universitaire.

Parmi ces solutions  improvisées, l’idée de création de filières courtes de formation, dans des spécialités considérées comme étant plus à même de correspondre aux besoins potentiels du marché de l’emploi. D’autant plus que l’on commençait à se rendre compte que l’inadéquation entre la formation et l’emploi touchait autant les formations littéraires, que celles techniques, scientifiques et même de gestion. Il suffisait, pour s’en rendre compte, de consulter, les listes d’étudiants qui ont eu à bénéficier des compléments de formation 21.21.

A propos de ces  filières courtes, il s’agissait, ou bien de l’ouverture de filières nouvelles dans des institutions anciennes ou bien de la création d’institutions nouvelles, consacrées à des formations dans des spécialités  nouvelles.

Issus d’une vision peu conforme à la réalité de l’emploi, parce que ne réfléchissant pas ce dernier en termes de travail et de fonction, ces choix consistaient, parfois, à former des étudiants, durant deux ou trois ans pour une fonction qui n’est plus la même. Les exemples les plus pertinents à ce sujet, sont ceux qui ont pour origine une mauvaise évaluation des effets de l’avènement des outils informatiques dans les domaines de l’architecture et du design avec toutes ses disciplines. Un architecte, n’est plus, aujourd’hui, ce concepteur dessinateur manuel qui se fait assister par des dessinateurs « gratteurs ». L’apport des nouvelles technologies informatiques a transformé qualitativement son travail de création et n’a pas, seulement, touché le travail d’exécution technique du dessinateur qui l’assiste.

Considérer que ce qui est nouveau réside dans le fait que l’on peut  faire « gratter »  ses plans et dessins par un  technicien assisté par ordinateur,  signifie que l’on avait pris pour repère des cas isolés d’architectes qui ne sont plus de leur époque, pour décider de la création d’un profil de formation (TAO) qui n’existe pratiquement plus.

En limitant l’apport des nouvelles technologies à celui d’outil d’assistance technique à la création, des décideurs ont été amenés, à mettre en place un programme d’enseignement destiné à former des assistants  d’Architectes et de Designer espace, qui travailleront avec des  patrons  que l’utilisation des moyens informatiques a, déjà, transformés, en  créateurs assistés par ordinateur.

A moins d’être à la tête d’une grande agence, l’informatisation, par un architecte ou un architecte d’intérieur, de son bureau ou même de son cabinet, peut avoir, pour conséquence, la suppression de la charge du traditionnel dessinateur « gratteur ». Par contre, au cas où l’on voudrait être optimiste quant à l’avenir du métier d’architecte en Tunisie, l’on pourrait effectivement prévoir que les architectes s’organisent en agences de taille significative, au sein desquelles, la maîtrise des logiciels, souvent utilisés dans ce domaine (Autocad, Archicad, 3D Studio Max et autres) pourrait correspondre à un emploi-fonction nécessaire, dont on ne peut se passer, pour assurer le bon fonctionnement de ces agences.

De l’apport innovant des Nouvelles Technologies à l’Economie et à la Culture

L’on prendra, alors, en considération, l’apport des nouvelles technologies, entre autres celles qui se rapportent aux moyens de communication Internet, pour réfléchir aux possibilités de participation à l’activité mondiale de service, dans des secteurs où l’intervention de nos intelligences serait productrice d’une meilleure et plus grande plus-value, bien au-delà de l’apport, non négligeable, de la création de centres d’appel, en cours de développement

Il semble donc que nous soyons en présence du même phénomène de réduction qui rend incompréhensible les fonctionnements spécifiques et de l’économie et de la culture, dans les rapports nouveaux que le monde actuel semble tisser entre ces deux types d’activité humaine, réputées distinctes et à finalités différentes, mais complémentaires tout de même ; si l’on considère qu’elles l’ont été, jusqu’ici, par la croyance au « coup de force thomiste » et sa « panacée contradictoire, dans ses déclinaisons les moins attendues. Telles ces assemblages hétéroclites entre  Progrès scientifique et Spiritualité Religieuse  ou bien cette juxtaposition de la Culture et de l’Economie, que l’on peut observer à l’œuvre, dans nos cursus de formation, qui continuent à ignorer l’urgence de les féconder l’une par l’autre.

Perçue comme simple juxtaposition de deux activités dont les finalités sont réputées contradictoires, l’adjonction de la Culture à l’Economie et celle de l’Economie à la Culture, ne peuvent constituer des réponses, conséquentes, aux exigences objectives de situations concrètes, d’entreprises qui auraient besoin d’être gérées « culturellement »  et non pas de continuer à se référer au langage réducteur de la compétitivité et d’une production culturelle et artistique dont la vision du monde qui la sous-tend est pour le moins anhistorique et déréalisante. Pour certains industriels et hommes d’affaires qui s’estiment éclairés, le rapport à la culture consiste à s’adonner, en parallèle à son activité propre, au sponsoring d’une production artistique, qui ne cherche, quant à elle, qu’à se laisser réifier et transformer en simple produit de consommation de luxe. L’observation du champ des Arts Plastiques que j’ai pu, personnellement mener durant plus de quarante ans, m’autorise à affirmer qu’ici, plus qu’ailleurs, nos artistes souffrent d’un manque de culture économique et sociale qui condamne leur vision du monde et les œuvres qui en découlent, à un formalisme stérile, sans attaches profondes avec leur conditions de vie individuelle et collective

Il se peut que les problèmes qui se posent à nos entreprises économiques, à nos producteurs culturels et à notre système d’enseignement, ne puissent être perçus à leur juste mesure, qu’à partir d’une approche globale, pluridisciplinaire et que la véritable réforme, des différentes filières de notre Enseignement Supérieur, passerait, d’abord, par une redéfinition de leurs programmes, en fonction de nouveaux objectifs dont la validité ne serait pas liée seulement à leur adéquation au marché de l’emploi,  mais plutôt à la nécessité de faire accéder ces formations à leur performance qualité.

L’on est donc amené à se poser la question relative à la définition de ces « nouveaux objectifs » et celle en rapport avec les moyens de les réaliser.

Précisons d’abord que ni l’obligation, de fait, d’homologuer nos diplômes avec ceux de nos voisins européens, ni la nécessité objective d’être en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi ne peuvent être pris pour objectifs. Car, il ne s’agit pas ici de la reconduction d’un processus de penser dans lequel il y aurait une distinction entre fins et moyens, à partir de quoi, l’on se retrouverait conduits à soumettre nos moyens à la production de fins qui ne seraient pas leurs fins propres. Il existe une différence entre le fait de considérer le résultat d’une activité quelconque, comme étant la réalisation d’un objectif et celui où cet objectif serait la conséquence même du fonctionnement adéquat et cohérent des moyens propres dont on dispose.

L’on comprend alors, que le véritable défi qui se pose à nous réside dans notre capacité à évaluer nos moyens, non pas pour les « juger », mais pour en connaître les limites ; sans reconnaître ces dernières comme étant indépassables et surtout en comprenant et en découvrant les modes de fonctionnement les plus adéquats pour optimiser le rendement de ces moyens.

Il s’agit donc d’une évaluation qui serait proche de celle qui résulte de l’approche poïétique et qui consiste à rendre compte du processus de production de l’œuvre entrain de se faire, au cas où l’on prendrait les Sciences de l’Art pour référence. Mais l’on peut également effectuer cette évaluation en optant pour une approche économique pour l’effectuation de laquelle, il faudra trouver les indicateurs et les paramètres spécifiques qui nous permettront d’évaluer aussi bien la qualité de l’effort que celle des résultats et de voir de quelle manière l’amélioration de la qualité de l’effort serait liée à une meilleure cohérence interne du système, en rapport elle-même à une meilleure cohésion entre les différentes actions de ses intervenants.

La première tâche consisterait, peut-être, à préciser la qualité et le rôle spécifique, mais nécessairement solidaire, de chacun des intervenants et ce, bien au-delà de la séparation de fonction qui existe entre eux, dans le système actuel. Telle celle que l’on établit entre des organes d’administration et de gestion, d’un côté, et de  production formation, de l’autre. Une séparation à caractère structurel entre les intervenants au niveau des tâches de gestion administrative et financière et ceux chargés de l’enseignement et de la recherche, c’est-à-dire de la production proprement dite, est de nature à ne favoriser ni la cohérence du système ni la cohésion souhaitée entre ses différents acteurs.

Au niveau du besoin de cohérence et de cohésion, il en est de l’activité de production de savoir et de formation comme de l’activité économique proprement dite. Dans ces deux secteurs d’activité, on ne peut prétendre à une amélioration du rendement du système, sans une conséquente réforme de son mode de gestion administrative et financière.

L’on sait que, depuis près de vingt ans, l’amélioration du taux de croissance, que connaît notre économie, est, aussi, redevable à l’activité de réforme administrative continue, instaurée, depuis la fin des années 80.

Quant à la réforme « administrative » dont l’enseignement supérieur aurait besoin, elle devrait avoir pour objectif l’amélioration du rendement de l’enseignement et non pas se limiter seulement à reproduire, au niveau des régions, la même logique de gestion et de contrôle qui prévalait, au niveau de l’Administration centrale, avant le transfert de quelques unes de ses attributions aux Universités. L’autonomisation, dont ces dernières doivent être dotées, si elle n’est pas accompagnée, également, de celle des institutions qui en dépendent, pourrait aboutir aux mêmes situations de blocage.

Rapprocher l’administration du citoyen est une bonne initiative quant il s’agit d’activité publique de prestation de service. Mais cela ne suffit pas, lorsqu’il s’agit d’activité de contrôle, de gestion et de production qui implique l’évaluation continuelle des moyens et fins, d’une activité de formation de compétences. En toute logique, et disons même, « en toute utopie », cela nécessite une gestion administrative solidaire, qui ne peut se limiter à l’application stricte d’une quelconque réglementation, sans transformer son devoir de contrôle nécessaire, en alibi pour l’exercice d’un pouvoir d’obstruction contreproductif.

[1] Encyclopédie Universalis 2004. Article Intelligence économique.

[2] « La théorie pédagogique de Dewey ne comporte aucune recette. Elle est un ensemble de principes qu’il appartient aux enseignants de mettre en œuvre dans le cadre de l’école, en expérimentant par eux-mêmes et avec les enfants les formes concrètes qu’ils peuvent prendre, au moment de leur application….Dewey ne donne pas de recettes pédagogiques parce que l’éducation est une expérience que le maître et l’enfant vivent ensemble à l’école, au moment où ils la vivent et au pays où ils la vivent. »In « La Philosophie américaine » de Gérard Deledalle, page 177. Editions « l’Age d’Homme », Lausanne, (Suisse). 1983

[3] Une évaluation de l’employabilité est délicate à établir, à cause de la nature du concept, de ses multiples définitions et approches. Ces multiples versions en font un concept flou, considéré parfois comme « opportuniste ». Une version particulière est généralement développée pour chaque contexte d’utilisation, avec ses cadres de référence et ses enjeux spécifiques. Mais cette mobilisation du concept s’effectue bien souvent dans des situations « d’urgence opérationnelle » qui ne permet pas une réflexion approfondie sur les modalités d’évaluation choisies et sur leur pertinence » In  L’employabilité par ses pratiques dévaluation lors des restructurations avec plan de sauvegarde de l’emploi » de Eve Saint Germes. Université de Montpellier 2. Nov. 2006.

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