La promulgation non ratifiée, dans sa version actuelle, de la nouvelle mouture de la loi électorale, semble désigner un malaise que la classe politique (pouvoir et opposition confondus) commence à ressentir et dont les causes relèvent du constat d’absence de » morale » ou plutôt d’éthique dans la pratique politique « anarchique » en cours. Les promoteurs de l’amendement non ratifié par le Président de la République voulaient prémunir cette pratique politique en cours, des dangers du populisme de certains groupes de pression économiques qui recourent à des activités caritatives en vue de les exploiter à des fins électoralistes. Sauf que ces pratiques désavouées, aujourd’hui, ne datent pas d’hier. Et s’il s’agissait de discréditer les tricheurs pour les exclure de la compétition électorale, ils pourront toujours dire : Depuis l’instauration de la pratique d’élections transparentes et démocratiques, il y a plus de huit ans , tous les partis, sans exception ont triché en toute transparence en ayant recours aux financement occultes et au populisme caritatif indécent. La mise au point qui va suivre , je l’ai publiée sur mon blog , il y a deux ans, au moment où le Chef du Gouvernement déclarait la guerre à la corruption.
La corruption des partis a son fondement dans la corruption de l’État. Et cette dernière est d’ordre politique et ne peut être visible qu’à partir d’une approche objective, éloignées des considérations de morale. La corruption de l’État commence au moment où l’instance politique se laisse « phagocyter » (1) par l’hégémonisme des opérateurs économiques. C’est le mal originel qui ronge les démocraties occidentales et dont le symptôme le plus flagrant est l’élection de Trump à la tête de la plus grande de ces démocraties.
Mais tant que l’intervention des argentiers se limite au financement, en toute transparence des campagnes électorales, sans prétendre, eux-mêmes au pouvoir, le politique restera toujours prioritaire dans la gestion de la cité. Et même si l’on dit que Macron est l’élu des argentiers, il ne peut agir qu’en homme politique.
En Tunisie, c’est lorsque certains hommes d’affaires et banquiers se sont mis à lier leur taux de participation au budget de l’Etat par le biais des impôts à un cota de postes ministériels qui doit leur revenir, en liant organiquement l’économique au politique, que le ver a été introduit dans le fruit. C’est le jour où Mansour Moalla s’est permis de déclarer à la presse internationale , au lendemain de la prise du pouvoir par Ben Ali : « Nous avons le pouvoir économique, le pouvoir politique suivra ». Ce qui a suivi c’est la fusion malsaine du pouvoir politique avec le pouvoir économique et la légalisation de l’usage de l’argent sale dans le jeu politique. Ce qui a suivi, c’est la porte ouverte à l’intervention des pétrodollars dans le détournement « démocratique » de la révolution tunisienne. Ce qui a suivi, c’est la permission accordée à Slim Riahi d’investir dans la politique son argent libyen. Ce qui a suivi c’est la pénétration insolente par Jerraya de la sphère politique tunisienne, au point de porter atteinte à la souveraineté de l’Etat.
Il y a une différence entre un mal et un symptôme. On ne lutte pas contre la corruption de l’Etat, en luttant contre la corruption. La corruption de l’Etat est une réalité politique objective dont l’éradication nécessite des mesures politiques appelant à promulguer des textes, au niveau même de la constitution, pour statuer d’une manière claire sur les modalités des rapports entre le pouvoir politique et le pouvoir économique, à partir desquels on pourra plus tard, préciser les conditions de financement des partis politiques. En attendant,on ne peut que recourir à la guerre, contre les effets symptomatiques de ce mal profond. Il y va comme l’a martelé le Chef du Gouvernement, de la survie de l’État.
(1)phagocyter : absorber, cannibaliser, étouffer, neutraliser, envahir, escamoter, accaparer .
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