Ce n’est pas la première fois que Imed Jemaiel évoque cette idée de réhabilitation de la mort pour que la mort nous sauve. Il rejoint, en fait le discours psychanalytique qui pour sa part la désigne sous le nom de Thanatos associé à Eros et résonne moins criard que l’exhibition frontale de la Mort à la face des honnêtes gens, surtout lorsqu’on ne prend pas la peine de préciser que la Mort à soi et la lutte permanente contre la morbidité de l’Ego ne signifie pas l’oubli ou la hantise angoissée de la mort physique. Mais cela me gêne moins que ce ton docte, généraliste à souhait par lequel le sujet parlant surplombe la foule en s’adressant à la masse inerte pour l’amener à la Vie, en l’éveillant à la Mort. C’est aussi une manière de se soustraire à la lutte, toujours particulière, contre ce qui ronge l’activité artistique en Tunisie, le formalisme intellectualisant sous le manteau duquel tous ceux, et ils sont légion, qui font de la pratique artistique, un moyen d’expression, comme on dit, fondamentalement hantés par le souci d’être, s’adonnent à un paraître de répétition à vide du même qui est toujours le même. La création artistique n’est ni un moyen ni un produit. Elle est le propre de l’humain, non pas parce quelle serait une production spécifiquement humaine mais parce qu’elle permet à la Créature de renouer avec l’Origine. Et lorsque l’homme devient capable de « lâcher prise » (un terme très à la mode aujourd’hui) et de se laisser solliciter par cette nécessité intérieure, productrice de symbolique, qu’il accède à une humanité de conquête. La pratique artistique, étant le fondement même de la dimension spirituelle de l’humaine condition ne se pose pas en vis à vis ou en opposition aux religions. Elles en font, elles aussi, partie. Ce que Imed Jemaiel considère comme étant les religions ce sont les dogmes religieux qui sclérosent la force créatrice qui anime les prophètes, tout comme les artistes qui sclérosent le souffle libérateur de la pratique artistique dite contemporaine, en la réduisant en un dogme qui transforme le travail salvateur en un produit de consommation abrutissant.
On ne fait pas oeuvre utile en optant pour la provocation ostentatoire, en parlant d’érection ou de l’art qui débande. Ce n’est pas un problème de morale mais de rapport au monde qui est toujours particulier, sans la prise en considération duquel, l’activité de création ne peut s’enraciner pour prendre sens dans ce monde. C’est çà la production du sens et non sa reconduction ou le refus de sa reconduction.
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