Voici deux images de qualités différentes. Comme on peut le constater je n’ai pas dit « de qualité » au singulier, parce que la référence, ici n’est pas faite à la notion métaphysique de qualité que l’on utilise pour exprimer un jugement esthétique , sans que l’on éprouve le besoin de s’expliquer sur les raisons qui nous font trouver telle ou telle œuvre de qualité, de qualité certaine, de qualité douteuse ou de qualité médiocre.Il s’agit ici de la notion de qualité quand elle renvoie à une identité irréductible, d’un objet, d’un individu ou bien d’un système. La question est d’actualité: elle au centre d’un débat qui a pour objet la recherche de la qualité, en matière de formation, de production, et de performance , dans les domaines économiques et dans ceux qui touchent à l’enseignement , supérieur en particulier, dont on cherche à faire réussir la dernière réforme.
Pourquoi ai-je affirmé,d’emblée, que ces deux images sont de qualités différentes ? Tout simplement parce qu’en tant qu’images, elles ont été produites de deux manières, pour le moins, différentes.
La première est la photo d’une cerise, prise à travers un objectif normal d’un appareil numérique ordinaire, que j’ai piquée dans une bibliothèque d’images sur Internet .
La seconde est un tissu de pixels, découpé dans une image numérique,( différent de numérisée), produite par une manipulation de logiciel , non conforme à son mode d’emploi qui est souvent complexe et nécessitant, pour son utilisation « correcte et performante » le passage par des stages de formation , pour le moins couteux, en plus des formations universitaires ou professionnels à caractère généraliste.
Pour son identité d’enregistrement, j’ai donné, à la première, le titre (qui n’est pas la signification) de « cerise 3″. Le titre- identité d’enregistrement » est une sorte de « nom propre » qui ne renvoie pas nécessairement à un signifié qu’il serait sensé représenter. Donc, comme pour le cas très connu et désormais classique de « ceci n’est pas une pipe », ce ci n’est pas une cerise mais une photo numérisée, (différent de numérique), dont le procédé de production a commencé par la numérisation d’une image lumière, projetée par un objectif non pas sur une pellicule argentique mais sur un dispositif informatique qui la transforme en « données » programmables et interprétables, indéfiniment.
Si j’ai parlé d’identité d’enregistrement , pour le titre de la première image, pour la seconde, je parlerais d’identité d’expression : je l’ai intitulée « Le Temps des cerises » et je l’avais utilisée, durant quelques heures comme photo de profil. Ce qui n’a pas manqué de m’informer sur la perception qu’en ont eue quelques uns de mes étudiants . Comme on peut le constater, ce titre revoie à une métaphore et non pas à une réalité et se rapporte à une image totalement « artificielle » et dont la logique de production m’échappe complètement au niveau technique, mais que je contrôle, en partie, comme dans toute technique artistique ( toujours de recherche et non pas de maîtrise et de reproduction). A la différence de la première, cette image numérique dont le logiciel m’a fait cadeau, ne représentait rien qu’elle même et ne désignait que la performance technique du logiciel, au-delà de sa vocation programmée.Toute la différence , entre cette image et celles en séries que l’on peut produire avec des logiciels spécialisés dans la production d’effets , de filtres, et de transformations dites à caractère esthétique d’une photo
Je constate toutefois, que mes efforts de provoquer un débat sur la question : « de la peinture d’effets à l’effet de peinture » ne se sont pas noyés dans la métaphysique des « j’aime ». J’avais l’intention avouable de mettre à nu une démarche formaliste qui sévit parmi les peintres de ma génération . Cette formule sur l’effet de peinture correspond, à mon avis, à l’activisme pictural dénué de toute légitimité fondée sur la nécessité intérieure,. Ce thème de réflexion de départ ne s’étant pas révélé assez accrocheur, j’avais opté pour un autre que je croyais plus proche de la pratique et non de ses effets. Cela a consisté à observer qu’il serait plus intéressant de faire peindre l’ordinateur plutôt que de peindre par ordinateur.
Tout le contenu de mon album infographie témoigne d’une démarche soucieuse non pas de produire des œuvres d’art réalisées par ordinateur, mais d’essayer de voir dans quelle mesure pourrait-on faire produire à l’ordinateur des images où il y aurait l’ébauche d’un art numérique spécifique , en rupture avec toutes les formes de mimésis magique fondée sur l’effet d’illusion de réalités de toutes sortes.
Naceur Ben CHEIKH
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