Le débat sur la question du voile, en Tunisie, ne date pas d’Aujourd’hui. Bien avant que Madame Lucienne Salan, n’en fasse de sa suppression, un cheval de bataille, en vue de lutter contre la révolution algérienne, par le recours à l’assimilation des femmes, cette dernière ne faisait, en fait que reprendre quelques vingt ans plus tard, l’idée de l’émancipation nécessaire, de la femme musulmane, pronée au départ, dès 1929 par les socialistes français de Tunisie et plus tard, encouragée par Armand Guillon qui venait de succéder à Peyrouton à la tête de l’administration coloniale.
Mais d’un autre côté et parallèlement à cette attitude peu désintéressée à l’égard de la cause féminine de la Tunisienne musulmane, l’élite autochtone n’a pas manqué de participer au débat, chacun de son point de vue propre. Ainsi et avant d’évoquer les positions des politiques tunisiens, je voudrais saluer à l’occasion la mémoire d’un artiste qui était relativement précoce en matière de peinture mais également en matière d’écriture et qui avait signifié en termes de culture son adhésion à la cause de l’émancipation de la femme tunisienne. Il s’agit de Aly Ben Salem qui, en 1938 écrivait :Nous lançons un appel de ralliement à toutes nos compatriotes, à tous nos compatriotes pour une action immédiate et commune pour une émancipation de la femme tunisienne sur une base culturelle..La femme, par le rôle qu’elle occupe est un être primordial dans la vie nouvelle et libre que nous voulons créer.
Sur une base culturelle, précise-il. Il semble que ce soit là une condition d’importance qui le met hors d’atteinte des accusations de fausses émancipations que l’on pourrait adresser aux suivismes et aux mimétismes dépersonnalisants contre lesquels, aussi bien Tahar Sfar que Farid Bourguiba, mettait en garde la femme musulmane, dans cette même revue féministe dans laquelle a écrit Ben Salem.
Dans ce cadre général, le fait d’œuvrer pour l’émancipation de la femme musulmane se présentait également, aux yeux de l’élite, comme un devoir, celui de faire face au délabrement moral dont certaines femmes citadines, autant bourgeoises que des femmes du peuple étaient l’objet. Le fait semble notoire puisqu’en Décembre 1936 , le journal « Eshabab » faisait paraître une nouvelle satirique de Mahmoud Bayran Attounsi mettant en scène un jeune délinquant européen agréablement reçu par trois jeunes filles musulmanes, avec l’heureux assentiment de leur frère.
C’est dire combien était complexe ce débat où se rencontraient des intérêts, à la fois convergents et contradictoires.
Contrairement aux idées reçues et au dénigrement systématique dont Bourguiba a été l’objet de la part des conservateurs, celui-ci va se faire remarquer par son approche socio-politique de la question du voile et se retrouver par la même pour des raisons de stratégie de préservation de la personnalité tunisienne, du côté des défenseurs du port du voile.
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