D’aucuns trouveront peu réaliste et pratiquement an-historique de déterrer, près d’un quart de siècle après leur parution, ces éditoriaux que j’avais écrits dans un contexte radicalement différent de celui que nous vivons aujourd’hui.
Qu’il soit clair pour ceux qui, avant même de me lire, parmi les jeunes et ceux qui le seraient moins, qui chacun pour ses raisons particulières, vont croire que j’essaie de « revendre » du Bourguiba que ce n’est pas le cas. Car je suis convaincu que dans ce marché tunisien des idéologies politiques, les principaux acteurs se soucient peu de ce qui pourrait aider la Révolution tunisienne à se donner une dimension culturelle. Cette dimension culturelle qu’elle ne peut acquérir que si elle pousse dans le terreau nourri par le réformisme tunisien, alliant l’Islam des Lumières au pragmatisme politique moderne. Sans cet ancrage de notre révolution dans cette pensée spécifiquement tunisienne elle risque de se révéler n’être finalement qu’une fin minable d’un dictateur en fuite, laissant après lui livré, en pâture aux hordes opportunistes , une Tunisie qui n’aura rien fait pour être à la hauteur des promesses que sa Révolution a soulevées pour l’humanité entière, à l’aube de ce nouveau millénaire.
Je sais que « le produit Bourguiba » est difficilement vendable à ceux qui ne l’ont jamais compris ni apprécié ou bien à des jeunes victimes de tous les discours de haine et de ressentiment, à l’égard de l’homme politique tunisien. Discours développés, depuis cinquante ans, par un Orient Arabe emportés par les idéologies nostalgiques déréalisantes et que Bourguiba avait osé affronter avec courage et responsabilité.
Mais je pense, par ailleurs que le mode de penser politique développé par Bourguiba à partir du « Réformisme Tunisien » n’est pas « un produit à vendre », tout comme l’Islam qu’il revendique comme pensée fondamentalement libératrice de l’être humain et de ses potentialités créatrices .
C’est pour cette raison, que depuis le début de notre révolution du 14 Janvier, je n’ai pas cessé de faire observer que le mode de penser bourguibien n’appartient à aucun parti politique et surtout pas à ceux qui se disent aujourd’hui bourguibistes. Car l’une des caractéristiques de cette pensée, c’est qu’elle ne peut être réduite à une idéologie politique, sans perdre son efficace et se transformer en discours de pouvoir nécessairement dominateur.
Durant ces années 80, j’étais le seul à user de l’appellation Al Moujahid Al Akbar, à la place du Combattant Suprême, en précisant à l’encontre des « bourguibistes » du PSD que ce qui est suprême c’est le Combat et non pas le Combattant. La même pratique de la flatterie et du culte de la personnalité, je la vois, aujourd’hui reprise par les adeptes de Rached Ghanouchi qu’ils sont entrain de transformer en ce que j’ai appelé l’idolâtre idolâtré et qui amène les musulmans d’Ennahdha à adorer Ghanouchi, habib Allah, son Adorateur Suprême, et non pas Allah l’Invisible et Le Radicalement Transcendant.
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